Yohann Boulic (Milizac)
Yohann Boulic et la Saint-Pierre Milizac sont toujours en course our la montée. (Photo Philippe Le Brech)

Tombeuse de Dinan-Léhon ce week-end, leader invaincu de National 3 jusqu’à la 19eme journée, la Saint-Pierre Milizac de Yohann Boulic (44 ans), a relancé les cartes dans lutte en haut de tableau. Installé sur le podium, ce petit club du Finistère d’un village d’environ 3500 habitants, qui accédait au R1 en 2020 sous la houlette de l’ancien gardien de but professionnel du Stade Brestois, veut croire en ses chances à l’approche du sprint final…

Yohann, c’est une précieuse victoire contre Dinan Léhon le week-end dernier ?

« Oui, surtout qu’on fait une bonne première mi-temps et une super entame qui nous permet d’ouvrir le score dès la première minute par l’intermédiaire de Stevenn Joseph-Monrose. On savait qu’on pouvait prendre la profondeur derrière leurs défenseurs centraux, on s’est procuré plusieurs situations après l’ouverture du score sans parvenir à être réalistes. Dinan-Léhon a ensuite opéré une réorganisation tactique après la mi-temps et ils sont revenus logiquement au score à l’heure de jeu grâce à Enzo Bodin. »

Il a fallu que Milizac se réorganise également !

« On est passé à trois derrière, un schéma qu’on avait déjà expérimenté depuis plusieurs rencontres et qu’on utilise assez régulièrement. Malgré les absences de Corentin Jacob, blessé depuis Fougères et Arnaud Deniel, en phase de reprise, on a opté pour ce changement de système lors des vingt dernières minutes et les débats se sont rééquilibrés. Dinan a peut-être aussi essayé de gérer pour conserver le point du match nul mais on a réussi à être dangereux avec quelques situations intéressantes en fin de match. La solution est venue sur coup de pied arrêté, suite à trois turnovers, d’une tête salvatrice et rageuse de Killian Le Ber à la 90eme minute. Les joueurs n’ont rien lâché et ça a payé. »

Est-ce une fierté d’avoir fait tomber le groupe de Stéphane Lamant ? 

« Non, je n’ai jamais axé mon discours de la semaine sur ça ! J’ai lu la presse ces derniers temps, entendu ce qui a pu se dire. On est dans la continuité de ce qu’on fait depuis plusieurs saisons, j’ai envie que mon équipe joue, donne du spectacle. C’est surtout sur ça qu’on se concentre. Par ailleurs, j’ai trouvé cette équipe de Dinan très intéressante, difficile à bouger et capable de changer tactiquement de système pour s’adapter à l’adversaire. Je ne suis pas étonné de les voir là surtout quand tu enchaînes 18 matchs sans défaite. Ce n’est pas que de la réussite ! »

« N’enterrez pas trop vite Vitré ! »

Battre les deux premiers est sûrement un signe. Qui t’as le plus impressionné entre Fougères et Dinan ?

« Je dirais Vitré (rires) ! Ils ne sont pas encore morts avec 34 points alors qu’on en compte 38… ils sont aussi à huit longueurs du leader alors qu’ils vont les affronter dans ce sprint final… c’est le club avec les plus gros moyens du championnat même si l’argent ne fait pas tout. Ils ont eu pas mal de pépins physiques alors qu’ils avaient notamment réussi à attirer le meilleur latéral du championnat l’année dernière, Erwen Le Cunff, qui s’est blessé d’emblée. En tout cas, pour ceux qui pensent que le championnat va se jouer entre Milizac, Fougères et Dinan, n’enterrez pas trop vite Vitré ! »

Il va falloir de votre côté poursuivre la dynamique à Pontivy…

« C’est une année de transition pour cette équipe qui a perdu beaucoup de cadres partis vers Locminé notamment. Philippe Pinson, qui s’occupait de la formation à Lorient, prend ses marques et on sait d’ores-et-déjà que ce ne sera pas un match facile samedi même s’ils sont premiers non relégables. On va préparer ça du mieux possible ! »

Milizac est sur une très bonne dynamique avec six victoires lors des sept dernières rencontres. Qu’est ce qui explique le faux pas contre Cesson ?

« J’en suis en partie responsable. Lundi, après le match face à la Montagne, j’ai félicité les gars suite au maintien acquis en National 3 et je me suis légèrement trompé sur la forme. La semaine avait été moins intense et il y a peut-être eu un petit relâchement sur lequel j’aurais dû être vigilant. On perd cette rencontre 1-0 et tu peux accepter la défaite si l’adversaire y met tous les ingrédients. Là, on a disputé un match que j’ai trouvé « fade » et on est ressorti sans avoir l’impression d’avoir joué. On a eu du mal à développer nos principes de jeu mais cette désillusion aura eu le mérite de nous remettre en question »

« Ce groupe a aussi développé une force mentale »

Le sprint final avait causé du tort à Milizac la saison dernière. La frustration a-t-elle été digérée depuis ? 

« Les heures et les jours qui ont suivi la fin tragique du championnat à la TA Rennes ont forcément été difficiles pour tout le monde. Au mois de juin, tu croises encore plus de monde que d’habitude car les beaux jours sont là. On t’en parle forcément, sans méchanceté ou animosité, mais tu répètes une dizaine de fois les mêmes choses. Et ça fout les boules au départ (sourires). Les vacances arrivent. Après, tu repars sur une nouvelle saison et je n’ai pas senti de frustration au moment de se retrouver. Pour relativiser, il ne faut pas oublier qu’on était en DSR (Régional 2) il y a sept ans… c’est juste exceptionnel ce qu’on réalise au quotidien pour un club comme Milizac et pour un village comme le nôtre ! »

Ton groupe évolue bien finalement…

« Sept nouveaux joueurs nous ont rejoint cet été donc le groupe change, évolue oui. Si je fais le bilan, je suis à 53 matchs de National 3 sur le banc pour dix défaites… sans jamais perdre deux fois d’affilée. C’est la force des différents groupes que j’ai eu depuis trois ans, cette capacité à réagir immédiatement. Il y a eu des contreperformances logiques, d’autres plus épiques comme celle à la TA Rennes la saison dernière alors qu’on avait préparé la rencontre avec la plus grande motivation et détermination. Mais contre Dol en début de saison, un promu, on est parvenu à aller chercher notre victoire dans les derniers instants car ce groupe a aussi développé une force mentale. »

80% de joueurs passés par le Stade Brestois

La période hivernale des transferts, qui vous a permis d’attirer un joueur comme Stevenn Joseph-Monrose, est-elle importante ?

« Clairement, si on m’avait donné le choix, les petits ajustements qu’on fait en janvier, j’aurais préféré les faire en juin. On peut encore améliorer ces délais mais il ne faut pas oublier qu’on est monté très vite d’une division à l’autre. Il a fallu réajuster à chaque fois en fonction des arrivées pour que les joueurs apprennent à se connaître pour ensuite assimiler les principes de jeu que je veux mettre en place. Ça prend du temps et on le voit, on commence souvent à surperformer à partir du mois de novembre. C’est aussi pour ça qu’on n’arrive jamais à faire un parcours de coupe digne de ce nom alors qu’on a le public pour y arriver… »

Comment fais-tu pour te réinventer au fur et à mesure des saisons ?

« La construction de mon effectif et sa gestion reposent sur l’état d’esprit des gars. Aujourd’hui, mon effectif est composé à 80% de joueurs passés par le Stade Brestois. Je prends mes renseignements notamment auprès de Laurent David, l’ancien entraîneur de la réserve, qui est un ami. J’ai noué des liens avec Benjamin Genton, entraîneur adjoint dans le staff pro à Lorient, et j’ai pu récupérer deux jeunes Merlus prometteurs. On les accueille et l’idée c’est de les former… puis de les faire performer. Pour avoir un ordre d’idées, avant l’arrivée de Monrose (32 ans), mon groupe avait une moyenne d’âge de 22 ans et demi. Je fais tout pour qu’ils puissent rebondir ensuite… je pense à Mohamed Hamek, parti du côté de Sedan en National. Rien que ça, c’est une fierté. Le fait de les pousser à aller un peu plus haut. Après si c’est avec nous, tant mieux (sourires). »