Thomas Regnier ASM Belfort
Thomas Regnier avec l'ASM Belfort. (Photo Philippe Le Brech)

Thomas Régnier n’est pas un joueur amateur comme les autres. Avant de revenir au sein de son club formateur, l’ASM Belfort (N2), cet attaquant de 37 ans a touché du bout des doigts le monde professionnel avec Sochaux ou encore Clermont. Entre son futur, la saison en cours et son amour pour son club de cœur, le joueur s’est longuement confié.

Vous allez avoir 38 ans, ce vendredi. Quel est le secret de cette longévité au haut-niveau ?

« On essaie de tirer au maximum ! On sait que lorsqu’on s’arrête, c’est toujours difficile de reprendre. Donc j’essaie de profiter de mes dernières années, de prendre beaucoup de plaisir et d’encadrer les jeunes. C’est cela que j’essaie de faire au quotidien. »

Quelle est la différence entre le Thomas Régnier de Sochaux à 20 ans et celui d’aujourd’hui ?

« Je dirais qu’à mes 20 ans, j’étais rempli d’insouciance. Désormais, je suis beaucoup plus mature. Et puis mon jeu a évolué. Quand j’étais jeune, j’étais beaucoup plus rapide que maintenant (rires) et je dévorais les espaces. Alors qu’actuellement, je suis plus un point d’appui, un joueur avec plus d’aisance technique et d’expérience. »

Sentez-vous que vous avez loupé votre occasion dans le monde professionnel ?

« Je dirais qu’il faut être là au bon moment, avec la personne qu’il faut. J’ai touché un peu du doigt le monde professionnel, mais c’est sûr que j’aurais pu mieux faire. Quand j’étais à Sochaux, je suis arrivé dans un monde de carnivore. Chacun vit pour soi. Il n’y avait personne pour lancer et pousser les jeunes à l’époque. J’ai eu la chance que Guy Lacombe m’accorde un peu de sa confiance mais ce n’était pas suffisant pour engranger plus d’expérience en Ligue 1. »

Thomas Regnier avec l’ASM Belfort lorsque le club évoluait en National. (Photo Philippe Le Brech)

« En attaque, il y avait Santos, Mickaël Pagis, Ilan, Jaouad Zairi et Jérémy Ménez ! »

Justement, qu’est qui vous a manqué pour passer ce cap ?

« C’était vraiment au niveau du mental ! Aucun rapport avec mes qualités. Ma tête m’a porté défaut. J’étais quelqu’un d’impulsif, qui avait du mal à se contenir. Quand quelque chose ne me plaisait pas je le disais. Alors qu’avec du recul, j’aurais fait différemment. Je réfléchirais et je tournerais sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler. Il me manquait de la maturité et quand tu es jeune, cela te porte préjudice. »

Et puis vous évoluez à l’époque du grand Sochaux…

« C’est sûr ! Lorsqu’on compare le Sochaux d’avant et celui de maintenant, la différence est flagrante. À l’époque on jouait l’équivalent de la Ligue Europa. J’ai pu faire deux apparitions dans cette compétition. En attaque il y avait Santos, Mickaël Pagis, Ilan, Jaouad Zairi et Jérémy Ménez. C’était très compliqué de se faire une place. Juste le fait de s’entraîner avec l’équipe première, c’était déjà exceptionnel, de faire partir du groupe professionnel, encore plus donc le fait de jouer je n’en parle même pas. Alors qu’aujourd’hui le club fait confiance aux jeunes. Je ne remets pas en cause leur qualité, mais c’est beaucoup plus facile d’intégrer l’équipe première maintenant qu’il y a 20 ans. »

Après Sochaux, vous avez beaucoup bourlingué (Châtellerault, Cannes, Mulhouse, Colmar, Lille, Reims) c’était compliqué de se poser ?

« Effectivement ! J’ai fait un passage en Ligue 2 et pas mal d’années en National et en N2. Mais c’est compliqué de s’installer. Il y a des projets où je suis parti de moi-même car je recevais de meilleures propositions. Quand j’étais à Mulhouse, j’aurais pu rester mais j’ai eu l’occasion de repartir en National et de viser la montée en Ligue 2 au Stade de Reims. C’était mon choix. À Châtellerault, l’année où j’arrive, le club coule. Donc forcément, je n’ai pas pu être reconduit. J’arrive à Cannes. On bâtit une équipe pour monter mais on se retrouve à jouer le maintien. Le club décide de virer 90% de l’effectif. Ce sont les aléas du football amateur. Ce monde n’est pas évident. Naviguer dans les eaux troubles du National et du National 2, ce n’est pas donné à tout le monde. On ne sait jamais de quoi sera fait le lendemain. Cela m’a permis de voir du paysage, je suis passé du nord au sud, de l’est à l’ouest. Je ne regrette vraiment rien. Certes, il a fallu déménager chaque année, mais cela m’a permis de voir d’autres cultures, régions. Ce fut enrichissant ! »

« De toute façon, je vais finir ma carrière à Belfort ! »

Et puis vous revenez au sein de votre club formateur à l’été 2013. C’était un choix de revenir à la maison, à Belfort ?

« Oui à mes 29 ans, je suis revenu à l’ASM Belfort dans le but d’y finir ma carrière. Et puis, je ne pensais pas qu’au bout de deux ans on allait monter en National. On a passé deux bonnes saisons là-bas. Et puis depuis 2017, on est retourné en N2. De toute façon, je vais finir ma carrière à Belfort, tranquillement. »

Pour l’instant le club est dans le dur avec 5 matches sans victoire et une 13e place au sein du groupe B de N2…

« On essaie de remonter la pente. C’est vrai qu’on est un peu dans le dur, pourtant ça allait mieux à la fin de l’année 2021. On n’est pas reparti sur cette dynamique. On sait qu’on a un groupe avec de la qualité mais on a du mal cette saison à la maison. C’est ce qui nous fait défaut. Il faut qu’on corrige cela et puis à Belfort, on a l’habitude de vivre des saisons compliquées, de jouer le maintien. On n’est pas dans quelque chose de nouveau. »

Même d’un point de vue personnel, vous l’êtes d’un des cadres de l’équipe mais malheureusement vous n’avez pas trouvé le chemin du but après 14 apparitions. Comment fait-on pour garder espoir et rester mobiliser ?

« C’est vrai, cette saison je n’ai pas encore marqué, cela ne m’était jamais arrivé auparavant. C’est une saison compliquée. Je marque moins mais je fais plus marquer les autres et cela me fait autant plaisir mais c’est sûr qu’un ou deux buts ne me ferait pas de mal. Il faut positiver. Et puis je ne craquerai pas. Ce ne sont pas les buts mais les points qui me tiennent à cœur. L’objectif collectif prime avant tout, le maintien m’importe plus. Si on me demande si je préfère marquer cinq buts et qu’au final le club ne se maintient pas et qu’à l’inverse si je ne marque pas le club reste en N2, je préfère largement la deuxième solution. Je ne fais pas une fixette dessus. Si je n’arrive pas à marquer d’ici la fin de la saison, ce n’est pas grave, j’essaierai de faire briller mes coéquipiers. »

« Ce que j’aimerais c’est être dans le recrutement, dans le rôle d’un Directeur sportif ! »

À 37 ans, j’imagine que vous pensez à votre après-carrière, surtout que vous avez passé votre diplôme d’entraîneur. Quelles sont les solutions qui s’offrent à vous ?

« Effectivement, j’ai le BE1 et le BE2 que j’ai passé à Cannes et à Reims. Mais pour l’instant, je ne suis pas dans un objectif de rester dans le football. J’ai donné tellement de week-ends, et de temps à ce sport qu’au moment où je vais arrêter, je ferais une longue pause. Elle ne sera pas définitive mais cela me laissera le temps de profiter de ma famille et de voyager. Il y a un an, j’ai également commencé un métier au service des sports à la mairie de Belfort. Je suis désormais responsable de 22 agents d’exploitation qui s’occupent des gymnases et des stades à travers la ville. »

Est-ce un sujet dont vous avez parlé avec le club ?

« Non, pour le moment je n’en ai pas parlé avec le club. Mais ce que j’aimerais, c’est être dans le recrutement, dans le rôle d’un Directeur Sportif. Je verrai si le club me fait une proposition à ce sujet. Je me vois plus dans cette branche-là que celle d’entraîneur. Essayer de trouver des joueurs, de les ramener et puis pourquoi pas de les voir flamber, ce serait une belle satisfaction. »

Pour finir, quelles sont les meilleurs moments ou les meilleures anecdotes de votre carrière ?

« J’ai trois moments qui me viennent en tête. Le premier, c’est le plus récent avec Belfort en Coupe de France en 2020. On a fait une belle épopée. Jouer devant 6 000 personnes chez nous puis 20 000 au stade Bonal à Sochaux, c’était quelque chose d’exceptionnel ! Surtout avec tout l’engouement qu’il y a eu autour du club. Ensuite, ma première rentrée en Ligue 1 contre Saint-Étienne. C’était un moment fort en plus au stade Geoffroy-Guichard, un stade mythique en France. Et le dernier, je dirais la Coupe d’Europe qu’on a été joué à Olympiakos dans une ambiance de folie, voire indescriptible. Rivaldo jouait dans l’équipe d’en face, c’était magique, surtout que j’ai vécu tout cela à 20 ans. En plus, lors de ce match, je suis signalé en position de hors-jeu alors que je pars de ma moitié de terrain. C’était la dernière minute de jeu. Peut-être que si j’avais marqué cela aurait changé ma carrière. Une carrière ne se joue à rien. »