Depuis le début de saison, plusieurs clubs ont appelé les forces de l’ordre afin de procéder au contrôle d’alcoolémie d’un arbitre. Mais attention aux abus.

Dimanche, dans le District de l’Escaut, un entraîneur a appelé la Police car il pensait que l’arbitre avait un peu trop bu. Mais le contrôle d’alcoolémie s’est avéré négatif. Ce qui n’a pas manqué de faire réagir. « Les agents de Police ont tout d’abord refusé de procéder au contrôle car ils ont dit de ne pas être habilités, explique Guillaume Talka, le président de la commission départementale des arbitres (CDA). Mais l’arbitre a insisté pour être blanchi de toute accusation. Les Policiers ont donc appelé leur hiérarchie qui a finalement donne son accord. »

Et le test s’est avéré négatif. Comme ce fut le cas dans l’Allier le 16 octobre dernier. Référent arbitre de son club, le dirigeant qui avait appelé les forces de l’ordre a été lourdement sanctionné en commission de discipline : dix-huit mois de suspension. Sans compter les suites judiciaires puisque l’arbitre a déposé plainte pour « propos diffamatoires ». Comme dans l’Escaut ce week-end. « L’arbitre m’a contacté immédiatement après le contrôle, précise Guillaume Talka. Je lui ai conseillé de déposer plainte immédiatement. »

Ivresse publique et manifeste : un examen médical nécessaire

Au-delà des sanctions éventuelles, il se pose tout de même une question. La Police ou la Gendarmerie ont-elles le droit d’intervenir pour réaliser un contrôle d’alcoolémie dans un stade à la demande d’un tiers ? Les textes sont assez clairs sur le sujet. « Il existe deux cas, la conduite en état d’ivresse ainsi que l’ivresse publique et manifeste, nous explique Alain Belhadj, ancien colonel de Gendarmerie. Sur ce deuxième cas qui est une mesure de simple police, seules les constatations comportementales sont à prendre en compte. La personne titube, perd son équilibre, tient des propos incohérents. Tout cela serait vu par tout le monde, d’où le qualificatif de manifeste. Nul besoin de contrôler l’alcoolémie sur le stade. »

La réaction initiale des Policiers ce dimanche à Ferrière a donc été la bonne. « Aucun seuil d’alcoolémie en particulier n’est exigé, en revanche il est demandé aux forces de l’ordre d’établir l’ivresse de manière très précise : la manière de se déplacer, son élocution, son regard, précise cet ancien membre du comité directeur de la Ligue du Centre Val de Loire. Il est évident qu’une ivresse publique et manifeste serait constatée par tout le stade et ne saurait être le seul fait d’un ou plusieurs joueurs mécontents ou d’un éducateur. Par ailleurs personne ne pourrait physiquement arbitrer un match de football en état d’ivresse publique et manifeste. » Si l’alcoolémie au volant est réprimandée par le code de la route, l’ivresse sur la voie publique dépend donc du code de la santé publique.

« Ils n’avaient pas à procéder au contrôle d’alcoolémie de l’arbitre »

« Une personne trouvée en état d’ivresse dans les lieux publics est, par mesure de police, conduite à ses frais par des agents de la police nationale, des militaires de la gendarmerie nationale, des agents de police municipale ou des gardes champêtres, après avoir fait procéder à un examen médical, réalisé sur le territoire communal ou en dehors de celui-ci, attestant que son état de santé ne s’y oppose pas, dans le local de police nationale ou de gendarmerie le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenue jusqu’à ce qu’elle ait recouvré la raison » indique l’article L3341.

« Dans les cas vus depuis le début de saison, la Gendarmerie et la Police n’avaient pas à procéder au contrôle d’alcoolémie de l’arbitre car il n’y avait pas d’ivresse manifeste, souligne Alain Belhadj. Je me pose d’ailleurs la question sur le sens du civisme de ces gens qui appellent les forces de l’ordre. Font-ils la même chose s’ils voient quelqu’un qui titube dans la rue ? » En conclusion, à part si les trois critères sont visibles par tous, l’ivresse publique et manifeste ne peut être constatée. Il est donc inutile d’appeler les forces de l’ordre car celles-ci n’ont pas à faire un contrôle d’alcoolémie sur l’arbitre !

Jérome Bouchacourt