Keny Nsona
Keny Nsona a repris le football au SC Schiltigheim cette saison. (Photo Ligue du Grand-Est)

Champion de France de taekwondo en 2019, avec les JO 2024 en ligne de mire, Keny Nsona a néanmoins fait le choix de reprendre le football.

Après quatre ans d’arrêt pour se consacrer au taekwondo, Keny Nsona (22 ans) a repris le football cette saison au SC Schiltigheim (National 2) en parallèle de ses études en BTS NDRC (Négociation et Digitalisation de la relation client). Rencontre avec le champion de France de taekwondo 2019 et désormais latéral droit dans le club du Bas-Rhin. Ambitieux, le grand frère de Kélian – qui évolue au SM Caen – ne s’interdit rien.

Pourquoi avez-vous arrêté le taekwondo cette année ?

« Je voulais reprendre le foot. Ça faisait quatre ans que j’avais arrêté. Avant, je pratiquais les deux sports en simultané. Je jouais au Paris FC et j’étais en équipe de France de taekwondo. A ma rentrée à l’INSEP, je ne pouvais plus continuer le football. »

Arrêter le taekwondo a-t-il été un choix difficile ?

(Il réfléchit). « Un peu. J’étais en équipe de France, j’avais un certain niveau. Mais, j’ai une passion pour le foot. Et le taekwondo est un sport à poids. Il y a des régimes. Ça devenait vraiment difficile. J’ai fait comprendre à mon père que j’avais des petits regrets par rapport au football. Je me suis rendu compte que j’aimais vraiment ça. Il y a quatre ans, c’était déjà difficile de faire un choix entre les deux. J’avais fait le choix inverse. Au Paris FC, c’était bien. Mais quand tu as la possibilité d’évoluer pour l’équipe nationale, c’est toujours un plaisir. Avec ma famille, j’avais pris la voie du taekwondo. »

Sur un article paru sur un blog, vous visiez les JO 2024. Ce n’est désormais plus d’actualité ?

« Oui, j’étais programmé pour les JO 2024. Entre temps, il se passe beaucoup de choses. J’ai laissé tomber. En France, c’est impossible de vivre du taekwondo. Il n’y a pas forcément une culture sportive ici. Certains arrêtent tôt car ils ont besoin d’évoluer dans leur vie. »

« Le fait d’être là était déjà une réussite »

Comment avez-vous rebondi à Schiltigheim ?

« Nous avons cherché une solution. Mes agents ont parlé au coach ( Stéphane Crucet). En testant un joueur, ils n’ont rien à perdre. Soit il n’est pas bon et on lui dit salut. Soit il convainc et ils ont un joueur gratuit qui peut aider. J’ai fait un essai d’une semaine en juillet, elle s’est bien passée. A la fin, on jouait contre une équipe du Luxembourg. On gagne 4-2 et je marque. Quand je suis retourné sur Paris, les agents ont appelé mon père pour lui dire que le coach me voulait. Aujourd’hui, je joue bénévolement pour le club. Au début, je m’entraînais avec la N2 et je jouais avec la réserve en R2. Depuis trois, quatre matchs, j’évolue avec la N2. »

Après quatre ans d’arrêt, c’est assez rare d’arriver à un niveau N2. Vous devez être content ?

« Franchement, quand je suis arrivé à Schiltigheim, j’avais un peu de stress. Je me suis dit : Keny, tu as arrêté quatre ans, il y a des repères que tu as perdu. Il y a beaucoup de choses qui changent. Comment tu vas revenir ?  Comment ça va se passer ? Je me suis dit il n’y a pas de questions à se poser. Le pire, c’était de revenir de là ou je venais. Le mieux, c’était d’être pris. »

Et ça s’est bien passé…

« C’était une vraie satisfaction de voir que l’essai était concluant. Même quand j’ai été avec la réserve, j’ai positivé. Le fait d’être là était déjà une réussite. Venir et arriver dans un groupe de N2 après quatre ans d’arrêt et en ayant joué seulement dans les catégories de jeune, c’est déjà bien. Je suis très enthousiaste de m’entraîner avec la N2 ou la réserve, ça se ressent sur le terrain. »

A l’heure actuelle, continuez-vous à vous entraîner ?

« Oui, on s’entraîne le matin. Nous avons des contrats fédéraux et nous avons l’autorisation de la mairie. »

Comment jugez-vous le début de saison de Schiltigheim (15 ème avec 1 victoire, 2 nuls et 6 défaites) en N2 ?

« Le début de saison est compliqué. Notre ennemi, c’est nous-même. Dans les matchs, on ne se sent pas inférieurs voir même on est dominateur. Mais, malheureusement, il manque l’efficacité. Et après, on en prend un. Et ça devient compliqué… Pour l’instant, les faits de jeu sont contre nous. Mais je ne m’en fais pas, on s’entend tous très bien. On va rebondir, nous avons les joueurs pour. »

« En 2018, j’ai failli mourir »

Personnellement, comment vous sentez-vous depuis la reprise ?

« Lors du dernier match amical avant le début du championnat, je me suis blessé (déchirure à l’ischio jambier). J’ai été arrêté pendant un mois. Cette période m’a ralenti dans ma progression. J’ai continué à me préparer. J’ai repris avec la R2. Il y avait une très bonne ambiance. Quand je suis arrivé avec la N2, il y avait un mélange d’émotions entre du bon stress et de l’excitation. J’avais hâte de me jauger face à des anciens professionnels ou des joueurs passés par des centres de formation. Franchement, je trouve que je m’en sors bien. Le coach continue de me titulariser, il doit être satisfait. »

Larsen Touré (passé par Lille et Brest) évolue à Schiltigheim. Vous conseille-t-il ?

« Oui, je parle beaucoup avec lui. Vendredi dernier, il m’a pris à la fin de l’entraînement. Il pense que j’ai les qualités pour aller très haut mais tout dépend de moi et du travail que je vais fournir. »

Vous avez été champion de France de taekwondo en 2019 chez les -68 kgs. Que vous a apporté ce titre ?

« C’était un titre que j’attendais depuis un moment. Chez les jeunes, je gagnais. Mais le passage, entre les jeunes et les adultes, est plus difficile. Tout le monde ne le passe pas. J’avais déjà fait des podiums mais rien d’autre. En 2018, j’ai failli mourir à cause d’une embolie pulmonaire. Et un an après, jour pour jour, j’ai gagné les championnats de France. Pour moi, c’était une revanche sur la vie. Je n’étais pas sur de pouvoir reprendre le sport. En un an, je suis passé de l’hôpital au toit de la France. »

« Très explosif par rapport aux autres »

Le taekwondo et le football sont-ils complémentaires ?

« Oui, je suis très souple, je fais le grand écart. Je peux éviter certaines blessures. Dans les mouvements amples, ça m’apporte. Et certains coéquipiers m’expliquent que sur certaines actions, le fait d’avoir pratiqué le taekwondo, ça m’aide. Par exemple, sur certains contrôles de balle où on ne peut pas le faire avec la poitrine car elle n’est pas sur nous, et bah moi, je lève le pied. Les deux sports sont complémentaires. J’ai commencé le taekwondo à cinq ans et le football à neuf ans. J’ai continué ainsi jusqu’à mes dix-huit ans. Quand j’étais à l’INSEP, certains disaient que j’avais des démarrages de footballeur. J’étais très explosif par rapport aux autres. »

Votre petit frère Kélian Nsona (18 ans) évolue à Caen. Il est très prometteur. Quel regard portez-vous sur son début de carrière ?

« Mon frère, je le suis tous les jours. On essaie de se conseiller mutuellement. Il a aussi été champion de France de taekwondo chez les jeunes. C’est un joueur qui a énormément de qualités. Il est longiligne, court très vite. On n’en voit pas tous les jours. En général, les joueurs grands ne sont pas aussi bons sur leurs appuis. Et il est très à l’aise techniquement. Avant le derby du week-end dernier (victoire 2-1 de Caen au Havre) , Kélian était le troisième meilleur dribleur de ligue2. Je le suis souhaite que le meilleur. Notre entourage est bon, j’espère qu’il fera une très belle carrière. »

Le voir évoluer avec les professionnels vous-a-t-il donné une envie supplémentaire de reprendre le football ?

« Oui, la première fois que je l’ai vu fouler la pelouse D’Ornano (à Caen), j’ai été subjugué par une grande émotion. Ça m’a vraiment fait quelque chose et ça donne vraiment envie. Lui, il y est arrivé. Mon frère et moi, nous possédons les mêmes qualités physiques. Après, techniquement, il est bien au dessus de moi. Mais je me dis pourquoi pas ? Je vais tout faire pour essayer d’arriver à son niveau. Et comme lui, il veut accéder au plus haut niveau. Je vais tout faire pour le rattraper, ça motive. »