Philibert MOSTENNE est défenseur de l’équipe de Football Entreprise des Hospitaliers Valenciennes auquel il offre son dynamisme et ses qualités de volonté et de sérieux. Ce sont les mêmes qualités qu’il met au service du Centre Hospitalier de Valenciennes. Philibert est belge et a fait ses études dans son pays d’origine. En 2015, il a intégré, en tant qu’ergothérapeute, cette structure hospitalière, référence dans les Hauts de France, mais également le Football Entreprise.

Philippe est un garçon lucide sur la situation mais également optimiste pour l’avenir. Certes, le football lui manque mais le plus important reste son activité auprès des patients.

Philibert, en quoi consiste ton activité professionnelle ?

Je suis ergothérapeute au CHV de Valenciennes. J’interviens sur demande médicale, principalement auprès de personnes âgées.

Les missions sont variées : bilan de chute avec évaluation de la marche des patients, préconisation d’aides techniques (en consultation, aux urgences ou en conventionnel), évaluation du domicile, travail des transferts, préparation des retours à domicile selon autonomie antérieure, conseil d’orientation, conseil d’installation pour les patients en fin de vie, …

Depuis le début de l’épidémie, le contenu de ton activité a-t-il changé ?

Tout l’hôpital s’est réorganisé rapidement. Du jour au lendemain, il n’y a plus eu de consultations, de visites… Les soins moins urgents comme la rééducation ont dû être différés. Pour de nombreux professionnels il a fallu faire preuve d’agilité, surtout les premiers jours. De nouvelles missions sont apparues, dans le but de soulager les services sous tension.

Quel est ton poste sur le terrain avec les Hospitaliers Valenciennes ?

« Défenseur, où tu veux ! ». Je suis à la disposition du coach pour tous les postes défensifs.

J’aime bien être latéral, « back » comme on dit en Belgique (je suis Belge), car tu apportes ton soutien au jeu offensif et tu cours beaucoup en faisant des allers-retours.

Je suis aussi bon et hargneux sur l’homme en marquage individuel. Lors des grands matchs, c’est souvent le rôle qui m’est attribué : ne pas laisser un mètre à l’attaquant.

Depuis quand es-tu dans ce club ?

Cela fait cinq ans, déjà ! Je suis arrivé en France, à Valenciennes en 2015 pour le travail. Et je ne connaissais rien dans le coin. C’est mon ancien cadre qui m’a mis en relation avec le Président des hospitaliers suite à nos échanges footballistiques, lui-même avait fait partie du club et me louait les fameux déplacements, l’ambiance…

Est-ce que vous parlez de foot avec les patients ?

Cela arrive parfois oui. Je discute volontiers avec mes patients : ça dédramatise parfois leur situation et ça change les idées. Avec certains, on parle des matchs passés ou à venir, « on refait le match » (pour paraphraser Eugène Saccomano). Je suis déjà tombé sur d’anciens bons sportifs du coin, des footeux mais aussi des cyclistes bien connus de la région. En tant qu’amateur de sport au sens large, je buvais leurs paroles et leurs anecdotes.

Avec les diverses interdictions de visite des familles, est-ce que maintenir le lien social avec les patients est pour toi un axe nouveau dans ton rôle ou existait-il déjà auparavant ?

L’isolement des patients à l’hôpital leur est très pénible, déjà en temps normal, mais encore plus depuis l’apparition du virus. C’est honnêtement ce qui m’a le plus touché durant les phases aigues. Savoir ces patients en souffrance, parfois en fin de vie, isolés et seuls face à des soignants méconnaissables, tous équipés de masque, lunettes, charlotte, blouse, sur-blouses, avec les chambres fermées, contacts limités…

Certains ont parfois quitté leurs proches en se rendant en urgence à l’hôpital et ne les ont jamais revus.

Notre établissement est très réactif, fort heureusement. Des outils de communication ont été mis en place pour pouvoir échanger en audio ou visio et leur redonner de la motivation. Cela fait partie des nouvelles missions qui ont été attribuées à certains.

Autrement dit, est-ce que tu as pensé à un moment :  »Je dois me comporter avec ces patients comme s’ils étaient des proches ou des parents » ?

Non. Tout soignant sait qu’il n’est pas bon, pour soi-même ou pour les patients, d’avoir trop de proximité. Ce n’est pas pour autant qu’on ne les prend pas aussi bien en charge que si c’étaient nos proches.

En tant que rééducateur, nous avons le pouvoir de les motiver en les valorisant dans leurs progrès. On en sur-joue parfois mais on sait l’impact que ça peut avoir sur leur dynamisme et leur futur.

Etre solidaire, se soutenir, rester positif : ce sont des valeurs du sport et du football. Est-ce que tu penses que le fait de pratiquer un sport collectif comme le football est bénéfique pour renforcer tes relations humaines, la solidarité et l’esprit collectif au sein de ton activité professionnelle ? Autrement dit, penses-tu qu’il existe des valeurs communes entre le sport et l’ergothérapie ?

Comme dans tout sport collectif, l’esprit d’équipe, la communication et la coordination sont primordiaux. Les résultats en découlent. C’est exactement la même chose dans les équipes de soins multidisciplinaires. On peut être bon individuellement. Mais si l’on ne roule pas tous ensemble vers le même objectif, les résultats ne seront pas optimaux. Une bonne ambiance dans les équipes (hospitalières ou/et sportives) va souvent de pair avec de bons résultats.

Certains clubs amateurs modestes ont lancé des actions diverses ou initiatives pour soutenir les soignants. Est-ce que tu penses que les clubs, amateurs ou professionnels, devraient s’engager de façon plus proactive dans ce combat aux côtés du personnel soignant ?

J’ai vu, il y a quelques mois, une vidéo des joueurs du VAFC (Ligue 2) et des soignants sur une post du FACEBOOK du CHV. Les soignants hospitaliers ont reçu énormément de soutien de tout type : les joueurs du VAFC, les supporters, mais également de la part des enfants via des messages de soutien, des dessins, des poèmes … on en a d’ailleurs affiché certains dans notre salle de pause. C’est motivant de se sentir soutenu dans cette bataille.

On a beaucoup parlé des soignants de l’hôpital, mais c’était parfois gênant car il ne faut oublier tous les autres ! Les ambulanciers, pompiers, services de soins à domicile, qui sont en première ligne, les libéraux (kiné, ortho, IDE, médecin traitant…). Mais également les autres professions, les agents de grandes surfaces qui sont restées ouvertes, les agents de nettoyage (souvent oubliés), les forces de l’ordre… et tous les commerçants qui nous ont également apporté leur soutien, alors qu’ils sont en train de sombrer financièrement depuis plusieurs mois…

Le foot : est-ce que vous avez repris avec ton club une activité physique en vue de la reprise ?

On avait repris en début de saison sous forme de FIVE lors de la réouverture des salles de sport, puis sur terrain. On était nombreux et motivés, avec même pas mal de nouvelles têtes. Mais cela n’a malheureusement et logiquement pas duré avec l’apparition de la seconde vague.

J’adore le foot, mais cela reste un sport, une passion. Cela ne doit pas prendre le dessus sur la santé des gens. Vu la contagiosité et la gravité du virus, il ne faut pas prendre de risque.

C’est dur d’envisager une reprise. On essaye de rester motivés et « fit » en partageant nos pratiques individuelles sur les réseaux (course à pied, vélo, ou de l’E-sport pour certains, comme Marwane avec son beau parcours en coupe E-sport FIFA 21 X UNFE, entre 2 cours en visioconférence).

Au sujet du football, qu’est-ce qui te manque le plus aujourd’hui ?

Encore une fois, le social ! Les déplacements, le partage, les amis, la compétition… Je n’aurai fait qu’un seul match officiel en 2020…

Un message personnel ?

Prenez bien soin de vous et de vos proches en respectant les gestes barrières, d’autant plus avec les personnes à risque. Vivement la reprise !

Frédéric Sougey