Gérard Gohel
Gérard Gohel avait reçu un appel téléphonique du président de la CRCC en pleine conférence de presse. (Photo Sylvain Letouzé)

En juin dernier, l’AS Cherbourg avait été maintenu en National 3 malgré un lourd déficit. Mais le dossier n’est pas encore clos.

Et si le dossier AS Cherbourg, qui a tenu en haleine les clubs normands au printemps dernier, connaissait des suites judiciaires ? C’est une possibilité qui pourrait arriver dans les semaines à venir. Car de (très) nombreuses zones d’ombre persistent sur le travail de la commission régionale de contrôle des comptes (CRCC) de la Ligue de Normandie.

Ce n’est pas le fond du dossier qui est remis en cause mais la forme. Petit rappel. Le 4 mars 2020, la CRCC a sanctionné l’AS Cherbourg, « après audition et contrôle sur pièces », d’un retrait de six points au classement du National 3 et d’une amende de 3 000 euros pour « Comptes au 30/06/2019 et budget 2019/2020 actualisé non acceptés en l’état ». Les finances du club de la Manche étaient donc dans le rouge à cette date.

Au mois de mai, le déficit du club était évalué autour de 150 000 euros avant un nouveau passage devant la CRCC. Le président Gérard Gohel expliquait que la crise sanitaire avait eu un effet néfaste sur le club « avec la perte de 115 000 euros de mécénat ». L’AS Cherbourg a donc été sanctionnée au mois de mars puis le club a accusé de nouvelles pertes au printemps avec la Covid-19… ce qui n’a pas empêché la CRCC de le maintenir en National 3 « après contrôle sur pièces » lors de sa réunion du 19 juin.

Aucune délibération dans le dossier

On ne peut nier que le président cherbourgeois s’est démené pour sauver son club, notamment avec en trouvant 82 700 euros de partenariats privés et en présentant « des dossiers d’indemnisation du Covid19 auprès des collectivités pour 60 000 euros ». Or c’est ce dernier point qui pose un réel problème. Car Gérard Gohel n’a présenté que des demandes de subventions exceptionnelles et non des délibérations.

La Direction Nationale de Contrôle de Gestion (DNCG) exige en effet que « le club doit adresser à la Commission un exemplaire de la délibération de la collectivité ainsi que de la convention définissant l’objet et les modalités d’attribution de la subvention avec la précision de la période couverte au regard de l’article R 113-4 du Code du Sport » tout en précisant que la date limite est le 30 juin, c’est à dire la fin de la saison en cours. Ce qui n’a donc pas été le cas.

Tout d’abord, les montants demandés par le club n’ont pas été ceux attribués (44 500 euros contre 60 000 euros). Ensuite, toutes les délibérations datent d’après le 30 juin : le 6 juillet pour le département de la Manche (4 500 euros), le 16 juillet pour la ville de Cherbourg (20 000 euros) et le… 6 octobre pour la communauté d’agglomération Le Cotentin (20 000 euros). Comme le rapportait La Presse de la Manche le 17 juillet, le reste à charge de l’AS Cherbourg était de 52 000 euros.

Déville-Maromme sanctionné pour… 27 000 euros

Si l’AS Cherbourg n’est plus en difficultés financières grâce au transfert d’Edouard Mendy de Rennes à Chelsea, qui devrait lui rapporter environ 350 000 euros, il aurait dû être rétrogradé administrativement en juin 2020. Cette même commission régionale de contrôle des comptes avait d’ailleurs pris la décision de refuser la montée de l’AL Déville-Maromme, le 13 juin 2018, pour des fonds propres négatifs de… 27 000 euros !

Le club de Seine-Maritime avait obtenu gain de cause en appel auprès de la DNCG après avoir obtenu des aides exceptionnelles des communes de Déville-les-Rouen et Maromme. Et les délibérations avaient eu lieu avant le 30 juin 2018, comme l’exige donc le règlement. Alors peut-on parler de « délit de favoritisme » en faveur de l’AS Cherbourg de la part de la CRCC de la Ligue de Normandie ? Président de cette commission, Thierry Lecardonnel n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Jérome Bouchacourt