Depuis la saison 2015-2016, le nombre d’arbitres en France est en chute libre avec près de mille arbitres en moins chaque année. Des chiffres très inquiétants.
Episode 1 : le constat
« Ce week-end, j’ai pris la décision de démissionner car je vais sur les matchs à reculons. Ce n’est plus possible. » Dimanche soir, Christophe (prénom d’emprunt) nous a contacté pour nous expliquer qu’il allait arrêter l’arbitrage. Après 14 ans sur les terrains, cet arbitre de l’Est de la France va jeter l’éponge. Et ce n’est pas un cas isolé. Depuis quelques saisons, ils sont nombreux à avoir pris la décision de mettre leur sifflet et leur écusson au placard.
A l’issue de la saison 2015-2016, la Fédération Française de Football comptait 25 300 arbitres. En juin 2021, ils n’était plus de 20 527*, soit presque 5 000 en moins. Mais ce début de saison est catastrophique avec seulement un peu plus de 17 000 arbitres licenciés (22 048 au 31 octobre 2015). Certaines Ligues s’en sortent néanmoins mieux que les autres comme La Nouvelle-Aquitaine qui est un peu à contre-courant des statistiques avec des effectifs stables ces quatre dernières années (-1,78%) alors que quatre Ligues ont plus de 20% de perte sur ces quatre dernières années.
Une chute essentiellement en Ligue et en District
« En fait il faut comparer ce qui est comparable, tempère Eric Borghini, président de la Commission fédérale de l’arbitrage et membre du Comex de la FFF. Nous avons perdu 4 471 arbitres entre la fin de saison 2016 (25 300) et celle de 2021 (20 829*). La saison 2021- 2022 est loin d’être terminée avec des candidatures et des examens d’arbitres jusqu’en mars 2022. A ce jour (le 5 novembre, N.D.L.R.), nous avons 17 594* arbitres. Autre précision, l’arbitrage fédéral amateur (CFA, N2 et National, auquel on peut ajouter le N3 qui est un championnat fédéral géré par les Ligues) n’est pas vraiment concerné par une baisse des effectifs. Seul est véritablement concerné l’arbitrage dans les Ligues et les Districts, et c’est cela qui est inquiétant. »
Les témoignages que nous avons pu récolter confirment cette chute, surtout dans les Districts. « La tendance baissière observée depuis plusieurs saisons s’est accentuée ces deux dernières années, en raison de la crise sanitaire et par le fait que les championnats amateurs ne sont pas déroulés en 2020/2021, poursuit l’élu fédéral qui est aussi président de la Ligue de Méditerranée. Beaucoup de collègues se sont orientés vers d’autres activités, voire ont retrouvé goût à une vie familiale et de loisir pendant les week-ends. Ce qui a nui à la reprise de l’activité arbitrale. Si on ajoute à cela les violences et les incivilités que l’on a observées et dont vous vous êtes émus, vous avez le cocktail explosif qui provoqué la chute des effectifs. »
« L’arbitre est devenu un défouloir ! »
C’est notamment le cas de Souleymane Darhour, l’arbitre insulté et roué de coups à Marseillan le 2 octobre dernier. « Je n’arrive pas à m’en remettre, c’est difficile pour moi moralement, a-t-il témoigné sur France Bleu Hérault. Je fais des cauchemars, je ne dors pas. Je n’arrive pas à oublier. Je n’arrive même pas à manger. Je reste dans mon coin, dans le noir, comme ça. » Les incivilités et les violences sont d’ailleurs la première cause d’arrêt des arbitres. Notamment les jeunes dont près de 30% arrêtent à l’issue de leur première année sur les terrains.
« Cela s’est fortement dégradé, confie Christophe, notre arbitre qui a décidé de démissionner. Avant, il y avait des incivilités mais il y en avait moins. Maintenant, c’est pratiquement tous les week-ends. L’arbitre est devenu un défouloir. Chacun, en France, est arbitre, a toujours la bonne décision mais ne décide pas de s’engager. Certains sont juste là pour se défouler et c’est sur l’arbitre. Et puis, je pense qu’il y a un manque de moyens et d’accompagnement. »
>>> Deuxième volet (à venir dimanche) : Un réel manque de moyens et d’accompagnement
* Nos chiffres et ceux fournis par la FFF ne sont pas tout à fait les mêmes pour la fin de saison 2020-2021
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