C’est une étude complètement inédite sur les commissions de discipline et d’appel disciplinaire avec des Districts qui ne respectent pas les règlements de la FFF.

PRÉCISION DE LA RÉDACTION
Cette enquête n’est nullement à charge contre les Districts et leurs dirigeants qui effectuent un travail indispensable au quotidien. Elle est au contraire pour mettre en lumière certains dysfonctionnements qui peuvent avoir de lourdes conséquences puisque les commissions de discipline et d’appel disciplinaire doivent être complètement souveraines et indépendantes.

Ces dernières semaines, plusieurs clubs nous ont alertés sur les compositions des commissions de discipline et d’appel disciplinaire de certains Districts. Nous avons donc décidé d’étudier les procès-verbaux des 92 Districts de France Métropolitaine. Le but de cette enquête inédite n’est pas de dénoncer des hommes ou de remettre leur travail en cause mais tout simplement de mettre en avant un système qui est en contradiction avec les règlements de la Fédération Française de Football.

Dans l’annexe 2 des Règlements généraux de la FFF, l’article 3.2.1 définit la composition des commissions de discipline et d’appel disciplinaire. Il est notamment indiqué que « Les organes disciplinaires des Ligues et Districts sont composés en majorité de membres n’appartenant pas aux instances dirigeantes de ces derniers ». Et c’est ce point du règlement qui pose de sérieux problèmes sur l’indépendance des commissions de discipline et d’appel disciplinaire.

La Fédération Française de Football a d’ailleurs envoyé une circulaire aux Ligues et District en juillet 2019 pour leur rappeler les modalités de composition de ces commissions. Car ce qui compte, c’est le statut des membres qui siègent le Jour J et non la composition votée en début de saison par le comité directeur (CD) de l’instance. « Dans de très nombreux cas, les clubs pourraient contester les décisions des commissions de discipline et d’appel disciplinaire » souligne Thierry Granturco, avocat du sport.

« Une impartialité pas totalement assurée »

Certaines commissions de District ne sont en effet pas régulièrement composées. Nous avons relevé six commissions de discipline ou d’appel disciplinaire avec un nombre de membres du comité directeur supérieur aux membres indépendants (Creuse, Deux-Sèvres, Maine-et-Loire, Yonne, Lot, Oise) ainsi que sept commissions avec un nombre de membres du comité directeur égal aux membres indépendants (Lot-et-Garonne, Loire-Atlantique, Tarn-et-Garonne, Côte d’Armor, Essonne, Haute-Savoie, Haute-Loire).

Dans certains District, il a été impossible de connaître les membres qui siègent puisque ceux-ci ne sont pas indiqués sur les procès-verbaux (Aude, Ille-et-Vilaine, Morbihan). « Si une majorité de membres qui siègent font partie des instances dirigeantes, l’impartialité des personnes qui délibèrent n’est pas totalement assurée » précise Alassane Leye, un juriste du sport qui a travaillé dans plusieurs Ligues. C’est notamment le cas lorsqu’une commission de deuxième instance composée de plusieurs membres d’un comité directeur de District traite un appel… de ce même comité directeur.

Mais alors quelles sont les bonnes pratiques ? De nombreux Districts indiquent les membres du CD sur les procès-verbaux de leurs commissions, ce qui permet d’être clair. Ensuite, il est devenu nécessaire d’avoir de vrais spécialistes qui soient formés à la lecture et l’interprétation des règlements. Comme c’est notamment le cas en Gironde où le président de la commission de discipline est avocat de profession.

Attention aux conflits d’intérêt !

« Dans certains régions, il y a aussi une crise du bénévolat avec la difficulté de trouver des personnes qui veulent s’investir, donner de leur temps » glisse un élu qui préfère rester anonyme. C’est en effet un vrai problème car ces commissions de discipline et d’appel disciplinaire sont chronophages. Mais les présidents de District ne peuvent pas prétendre ne pas connaître le règlement… et ils s’exposent à la nullité des sanctions prononcées lorsque leurs commissions ne sont pas régulièrement composées quand elles siègent.

Une notion qui est aussi très importante est celle du conflit d’intérêt comme c’est indiqué dans l’article 3.1.4 : « Les membres des organes disciplinaires se prononcent en toute indépendance et ne peuvent recevoir d’instruction. Ils doivent faire connaître au président de l’organe dont ils sont membres, s’ils ont un intérêt direct ou indirect à l’affaire. Le cas échéant, ils ne peuvent siéger lors de l’étude de celle-ci. »

Si un membre de la commission de discipline ou d’appel disciplinaire qui siège a un rapport avec une personne convoquée (familiale ou professionnel), il doit donc se désister sous peine de nullité de ladite commission. Et là encore, des clubs nous ont remonté certaines irrégularités à ce sujet. Pour les clubs, il convient donc de vérifier systématiquement la composition des commissions de discipline et d’appel disciplinaire qui siègent, soit sur le procès-verbal s’il n’y a pas d’audition, soit en demandant l’identité des membres lors d’une audition.

Jérome Bouchacourt