Ballons entraînements
Photo Philippe Le Brech

En Haute-Savoie, un éducateur s’est vu retiré sa licence car il était condamné pour viol sur mineur… avant que la Ligue ne lui délivre une licence « dirigeant » !

C’est une histoire à dormir debout. Une histoire qui montre les dysfonctionnements qui existent aujourd’hui encore dans le football français. En juin 2022, la radio locale H2O révélait qu’un dirigeant de l’US Pringy avait été incarcéré pour des soupçons d’agressions sexuelles sur mineurs de moins de 13 ans. En effet, plusieurs enfants de ce club de Haute-Savoie s’étaient plaints d’attouchements au retour d’un voyage en bus au Puy-du-Fou.

« Il avait été condamné pour viol dans une autre région, avait indiqué la procureure de la république d’Annecy Line Bonnet. Une condamnation à une interdiction définitive de rentrer en contact avec des mineurs. Cela n’interdit pas de tenir une buvette, mais cela ne permet pas d’encadrer un séjour. Cet homme n’entraînait pas les enfants mais l’enquête devra déterminer les responsabilités. » Mais comment cet homme a-t-il pu accompagner des enfants alors qu’il était inscrit au Fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais) ?

Un dirigeant « simple » n’entre pas dans le contrôle d’honorabilité

C’est là que cette histoire va prendre une tournure assez inattendue. Le 13 janvier 2022, la Délégation régionale académique à la Jeunesse, à l’Engagement et aux Sports (DRJSCS) a averti l’US Pringy que Vincent Cesbron est inscrit au Fijais. Le 21 février, sa licence « éducateur fédéral » lui est retirée par la Ligue Auvergne Rhône-Alpes (Laura Foot). Mais dans la foulée, le club haut-savoyard demande une licence « dirigeant » à la Ligue le 9 mars 2022. Soit quelques semaines avant la supposée agression sexuelle de plusieurs enfants !

« Celle-ci a été validée par la Ligue le 11 mars 2022 à réception des pièces parce que cette demande ne mentionnait pas le rôle de dirigeant « administrateur » du club, nous a expliqué la Ligue Auvergne Rhône-Alpes. Or, le champ du contrôle honorabilité fixé par le Ministère s’applique à ce jour sur les éducateurs et les dirigeants administrateurs de club (président, secrétaire, trésorier). Toutes les autres licences « joueurs » et « dirigeants » ne rentrent donc pas, à ce jour, dans le contrôle automatisé du Ministère des Sports. »

La Ligue a finalement décidé d’agir. « Le 5 septembre dernier, le Bureau Plénier de LAuRAFoot a cependant décidé d’aller plus loin que la seule interdiction d’encadrer pour Vincent C. en lui interdisant toute prise de licence, même si cette mesure de la Ligue va au-delà de la procédure du contrôle d’honorabilité mise en place avec le ministère des Sports » nous a-t-on précisé.

La délégation Jeunesse et Sports responsable ?

Mais le mal est fait et une licence a été délivrée à une personne condamnée pour viol sur mineur et qui a ensuite récidivé. La Ligue se décharge sur la DRJSCS et le club. « A la suite d’un rendez-vous avec le service départemental à la Jeunesse et aux Sports de Haute-Savoie pour savoir si le club pouvait confier des missions autres à M. Vincent C., le club concerné a fait une demande de licence dirigeant. » Ce que confirme Alain Bocquet, président du club à l’époque.

« Jeunesse et Sport a reçu un courrier avec accusé de réception de ma part, reprenant leurs termes que j’avais mis en place sans attendre à l’US Pringy, confiait-il le 2 juin 2022 à H2O radio. Je n’ai jamais eu de réponse mais je tiens ces courriers à disposition. J’ai fait exactement ce que l’on m’a demandé. S’ils m’avaient demandé de le virer, je l’aurais fait mais cela n’a pas été le cas. Le courrier initial de jeunesse et sport date du 13 janvier dernier. M. Cesbron était déjà au club depuis 10 ans. » Malgré plusieurs demandes, la DRJSCS n’a pas souhaité nous répondre.

Le règlement de la FFF prévoit le retrait de licence

Ce cas d’agressions sexuelles montre que le système mis en place n’est pas encore tout à fait au point. Car il est impensable de pouvoir délivrer une licence à une personne inscrite au Fijais. « Tout licencié peut être en fonction auprès d’une équipe de jeune, ce qui ne facilite pas les contrôles » concède Didier Esor, le président de la Ligue des Pays de la Loire, qui a été confronté à plusieurs cas de retrait de licence depuis le début de la saison. « On prend des risques mais personne n’a contesté ces retraits devant le tribunal administratif » ajoute-t-il.

En fait, ces retraits de licence sont prévus dans le cadre de l’article 85 des règlements généraux de la FFF. « Toute personne frappée d’une sanction pénale, privative de liberté ne comportant pas l’application du sursis, pour faute contre la morale, l’honnêteté ou l’honneur peut se voir refuser la délivrance d’une licence ou se voir retirer une licence en cours de validité. » Le 11 mars 2022, la Ligue Auvergne Rhône-Alpes aurait donc pu refuser la licence à Vincent Cesbron.

Jérome Bouchacourt