Aziz Bouzit se fait plaisir cette saison avec le FC Limonest Saint-Didier. (Photo Monfoot69)

A 25 ans, Aziz Bouzit est des éléments clés du FC Limonest Saint-Didier, petit poucet des huitièmes de finale de la coupe de France. Rencontre avec un joueur talentueux.

Pour ses huitièmes de finale, la Coupe de France se dote d’un nouveau petit poucet, le FC Limonest Saint-Didier, dernière équipe de National 3 encore en lice, qui défiera Dijon (Ligue 1) mardi prochain. On ne parlera pas encore d’épopée pour le club du Rhône, malgré les deux formations de National 1 déjà sorties. Mais l’histoire est déjà belle. Et, surtout, elle n’est pas finie.
Ses protagoniste se verraient en tout cas bien faire durer encore un petit peu le plaisir. Parmi eux, l’ailier Aziz Bouzit, arrivé au club l’été dernier, qui profite de la vitrine offerte par la Vieille Dame pour pouvoir s’exprimer sur une scène à la mesure de ses qualités. Malgré un parcours sinueux le joueur de 25 ans n’a jamais douté. Portrait.

Les championnats amateurs regorgent de talents cachés. De talents gâchés pourrait-on presque écrire. Ces joueurs qui, par choix, par manque de réussite d’opportunités n’ont pas connu le début de carrière auquel ils pouvaient prétendre.

Aziz Bouzit peut se classer dans cette catégorie. Chez les jeunes il connaît ainsi des débuts prometteurs, que ce soit à la Tour Saint-Clair puis au FC Bourgoin-Jallieu, avec qui il évolue en U14 Fédéral puis en U17 National. De quoi faire naître chez le gamin du Nord-Isère quelques doux espoirs. « J’ai commencé le football vraiment par passion. Je regardais, je vivais foot. Mon grand frère jouait avec les U17 Nat’ de Bourgoin-Jallieu, j’aimais déjà aller voir ses matchs. Quand j’étais au FCTC, l’OL m’a convoqué pour un essai. Il s’est bien passé mais ils m’ont dit que j’évoluais alors à un niveau trop faible et m’ont demandé de signer à Bourgoin, un de leurs clubs partenaires. A ce moment là je me suis dit pourquoi pas rêver à faire carrière, tout en ayant conscience qu’une carrière dépend d’énormément de facteurs. »

Aziz Bouzit (au premier plan) en duel avec Nabil Fékir. (Photo Alain Thiriet – Métro Sports)

Bouzit travaille, écoute les conseils de ses éducateurs et continue de progresser. Ses prestations ne passent pas inaperçues et il finit par s’engager avec le GF38, dont le centre de formation est alors réputé.
Un premier tournant qu’il nous détaille. « Je décide de rejoindre Grenoble après une sélection régionale où je m’étais rendu un peu blessé, mais avec qui j’avais pu jouer et marquer plusieurs buts. J’avais quelques autres sollicitations, comme Nîmes, Sochaux, Arles Avignon ou Saint-Étienne qui s’était un peu renseigné également, mais le choix de Grenoble était assez logique. La ville était proche, accessible et le club avait la réputation de faire jouer ses jeunes, comme Feghouli par exemple. Seulement j’ai signé un mois et demi avant qu’il ne dépose le bilan et il était après coup impossible pour moi de rebondir ailleurs. »

Aziz se retrouve alors dans un club retombé dans le plus total amateurisme, où tous les meilleurs jeunes ont quitté le navire et alors que l’équipe n’était même pas certaine de repartir à quelques semaines du coup d’envoi du championnat. L’attaquant fait avec et réalise même avec ses partenaires quelques coups d’éclat, comme l’élimination de l’Olympique Lyonnais en Gambardella. Bouzit marque d’ailleurs ce jour là le seul but de sa formation contre un OL où évoluent Nabil Fekir, Anthony Martial ou encore Alassane Plea.

« Un gros coup sur la tête ! »

Grenoble, alors en CFA, lui offre même ses premières opportunités avec l’équipe Une quelques mois plus tard. Que le joueur s’empresse de saisir. Pour son premier match, il provoque ainsi le penalty de la victoire en coupe de France. Pour son second, en N2, il rentre lors du dernier quart d’heure et offre un but à son coéquipier Nassim Akrour. Son entraîneur ne tarit pas d’éloges sur ses prestations. Pourtant l’expérience s’arrête là.

« Pour l’anecdote en championnat j’étais rentré au même moment que Ruben Aguilar (aujourd’hui à Monaco, NDLR). Effectivement après le match Olivier Saragaglia avait dit qu’en 15 minutes j’avais plus montré que certains autres attaquants depuis le début de la saison. La trêve hivernale est peut être arrivée au mauvais moment. Il était prévu que je reprenne avec l’équipe Une mais à la reprise on m’a renvoyé avec la réserve. On ne m’a jamais dit pourquoi ; j’ai pris un gros coup sur la tête à ce moment là. La saison suivante pareille à par quelques entraînements on ne m’a jamais plus donner ma chance après m’avoir vendu du rêve. Je garde de supers souvenirs de Grenoble mais cet épisode, sans explications, reste un gros regret. »

Un coup sur la tête qui, s’il n’enterre pas ses espoirs de « faire carrière », lui rappelle l’importance d’avoir d’autres cordes à son arc.  « J’avais commencé les cours et je ne me voyais pas quitter la région. Après une année en DH avec la réserve de Grenoble, j’ai donc rejoins Échirolles (dans la banlieue de Grenoble, NDLR) toujours en DH car c’était l’année de mon concours pour devenir prof de sports, que je tenais absolument à avoir et qui était ma priorité à l’époque. » 

Une fois son concours obtenu, il effectue son année de prof stagiaire dans le Nord-Isère et finit par rejoindre le FC Bourgoin-Jallieu. Le début d’une belle aventure avec une équipe qui joue les premiers rôles en N3 pendant plusieurs saisons, manquant à chaque fois de peu l’accession en N2. Aziz, qui peut se consacrer au foot après s’être mis à dispo’, y brille en terminant à plusieurs reprises meilleurs buteurs et/ou passeurs de sa formation. Des performances qui lui permettent aussi d’intégrer la sélection Auvergne Rhône-Alpes. Et finalement de rejoindre Limonest Saint-Didier l’été dernier, malgré plusieurs autres propositions, certaines pour des équipes évoluant à des niveaux supérieurs.

« Déjà c’était dur de quitter Bourgoin-Jallieu, un club qui a fait beaucoup d’efforts pour moi, qui m’a permis de ne faire que du foot. Je garde ça bien en tête. Pour le choix de Limonest Saint-Didier déjà je me suis marié fin juin et si cela ne constitue en rien un empêchement de bouger ailleurs, j’ai privilégié l’option locale, je préférais ne pas tout enchaîner en même temps. Et puis j’ai été séduit par le projet de Limonest Saint-Didier. »

« Je ne lâcherai pas l’affaire »

Un choix qu’il ne regrette pas. L’équipe est toujours en course pour l’accession en N2 même si elle a pris un peu de retard sur les équipes de tête. Et puis il y a ce parcours en coupe de France, évidemment et cette confrontation à venir face à Dijon. « Pour moi c’est le meilleur tirage » sourit l’ailier. « Alors bien sûr pour l’aspect festif un PSG ou un OL aurait pu être plus intéressant mais moi je joue au foot pour gagner, pas pour me créer des souvenirs. Si je veux des souvenirs du PSG je vais les voir jouer en L1 (rires). Autant Paris on sait que c’était mission impossible, autant n’importe qui d’autre on a les qualité pour au moins les embêter. »

Une rencontre pour laquelle il devra à nouveau endosser le bleu de chauffe. Car s’il est le meilleur buteur (4) et passeur (10) de son équipe en championnat, en Coupe il endosse un rôle différent, au service du collectif. « En jouant ailier dans un système en 4-4-2 j’ai beaucoup plus d’efforts défensifs à faire, surtout face à des équipes qui évoluent à un meilleur niveau et qui cherchent à contourner le bloc que l’on met en place. Quand j’étais plus jeune j’avais plus de mal à comprendre ce rôle là. Quand on joue devant on fait forcément surtout attention à nos stats. Mais l’entraîneur Nicolas Pinard m’apprend énormément de choses, y compris sur le plan offensif. Je sais aujourd’hui qu’il faut trouver un équilibre dans son jeu, je perçois mieux l’importance des replis défensifs, du travail pour le collectif. J’ai le sentiment d’avoir progressé dans tous les domaines cette saison. »

Des progrès qu’il aspire naturellement à mettre en œuvre à un niveau supérieur dans le futur. « Le N3 manque de visibilité et n’a pas la reconnaissance qu’il mérite. Aujourd’hui toutes les matchs de N2 ont droit à un résumé vidéo via la FFF par exemple, pour nous rien. Et pourtant il y a des équipes et des joueurs de grande qualité. J’ai par exemple trouvé notre 16e de finale contre une autre N3 beaucoup plus difficile que nos matchs précédents contre des N1. »

Et le monde pro ? « J’en rêve toujours. Je n’ai que 25 ans, même si dans le football d’aujourd’hui on a l’impression que tout doit arriver vite, je ne suis pas vieux pour autant. Mon ancien coéquipier à Bourgoin-Jallieu Florian Michel a signé son premier contrat professionnel cette année avec Grenoble à l’âge de 28 ans. C’est beau pour lui et cela me conforte dans mon envie : je ne lâcherai pas l’affaire ! Depuis que j’ai commencé je suis mon chemin, j’assume tous les choix faits et j’ai toujours gardé cette volonté d’aller le plus haut possible. Je sais que mes proches me soutiennent, c’est une force supplémentaire. »

Une force sur laquelle pourra compter Limonest Saint-Didier pour écrire un chapitre de plus de son histoire dans quelques jours, face au DFCO. Et rester encore un peu dans cette lumière qui lui va si bien…

Frédéric Sougey